Le marché des produits de luxe d’occasion connaît une véritable expansion, attirant de plus en plus de consommateurs en quête d’articles prestigieux à des prix plus accessibles. L’ouverture récente de la boutique Héritage à One Nation Paris, un centre commercial dédié aux marques haut de gamme en périphérie de Versailles, illustre parfaitement cette tendance. Avec ses 600 mètres carrés, le magasin propose une large sélection de sacs, bijoux, montres et articles de maroquinerie de grandes maisons telles que Hermès, Dior et Louis Vuitton, mais toutes ces pièces sont de seconde main, offrant des réductions allant de 30 % à 50 % par rapport aux produits neufs.
Ce succès repose sur plusieurs atouts : une offre de produits rares, souvent introuvables en première main, et une garantie d’authenticité et de qualité irréprochable. Les articles sont achetés principalement aux enchères ou auprès de partenaires spécialisés comme The Brand Collector, et revendus avec une marge d’environ 30 %. Cette stratégie mise sur la demande croissante pour les produits de luxe d’occasion, alimentée par des plateformes en ligne populaires comme Vestiaire Collective, ReSee, ou encore The RealReal, pionnier californien du secteur.
Le marché de l’occasion dans le secteur du luxe représente désormais 45 milliards d’euros, soit 12 % de l’ensemble des biens personnels de luxe. Bien que la majorité de ce marché soit constituée de montres et de bijoux, les vêtements, sacs et accessoires commencent à prendre une place de plus en plus importante. Cependant, les grandes maisons de luxe, longtemps réticentes à s’impliquer dans ce segment, observent ce phénomène avec prudence. Elles n’ont que peu de contrôle sur les prix, la qualité et l’authenticité des produits de seconde main, ce qui pourrait potentiellement nuire à l’image qu’elles ont soigneusement cultivée.
Pour ces revendeurs, la certification et l’authenticité des articles sont des enjeux majeurs. Héritage, par exemple, a investi 2 millions d’euros pour constituer un stock initial via des milliers d’enchères et aménager un espace à la hauteur des standards du luxe. D’autres plateformes comme Vinted, confrontées à des risques de contrefaçons, ont mis en place des services payants de vérification des produits de luxe, garantissant ainsi une certaine transparence pour les acheteurs.
Certaines marques, soucieuses de contrôler leur image sur le marché de l’occasion, tentent de reprendre la main. Rolex, par exemple, a instauré un système de certification de ses montres d’occasion via le détaillant Bucherer, qu’elle a racheté en 2023. Kering, maison mère de Gucci et Yves Saint Laurent, s’intéresse également à cette tendance avec une prise de participation dans Vestiaire Collective, afin d’étudier de plus près le potentiel du marché de la seconde main, particulièrement apprécié par les jeunes consommateurs.
Malgré cet engouement, le développement du luxe d’occasion ne garantit pas automatiquement le succès. Il repose sur une offre variée et constamment renouvelée, un défi pour les revendeurs qui doivent assurer une sélection de qualité tout en maintenant l’authenticité des produits. Le marché, bien que florissant, reste en pleine mutation, et les prochaines années seront cruciales pour déterminer si les grandes marques de luxe s’y impliqueront davantage ou continueront à observer de loin cette tendance montante.
