C’est un vin qui ne joue pas les effets de manche, mais qui impose sa présence avec le calme d’un roc millénaire. Issu des terrasses caillouteuses de Crozes-Hermitage, Les Jalets 2023 incarne une certaine idée du classicisme rhodanien : celui où la nature, l’histoire et la main de l’homme entrent en dialogue constant.
Le nom, d’abord, claque comme un rappel à l’origine. “Jalet”, en vieux français, désigne ces galets roulés qui tapissent les sols du vignoble, souvenirs d’un ancien fleuve glaciaire dont le Rhône est l’héritier. Ces pierres, réchauffées par le soleil le jour, restituent leur chaleur à la vigne la nuit, assurant une maturation douce et régulière de la Syrah. Une Syrah qui s’ancre ici sur des terres profondes, dans une région où la géologie se raconte en couches, comme un roman de terroir.
2023, après un hiver avare en pluie et un printemps hésitant, aura finalement offert aux vignerons une vendange saine et mûre. Chez Paul Jaboulet Aîné, maison fondée en 1834 et aujourd’hui menée par Caroline Frey, la philosophie est celle d’un compagnonnage patient avec la vigne. Agriculture biologique, approche régénérative, vinifications traditionnelles mais précises : ici, on conjugue le temps long avec l’exigence moderne.
La cuvée est vinifiée comme un classique — égrappage soigné, cuves tronconiques en chêne français, macération douce de trois semaines, élevage d’un an — mais le résultat se lit dans un registre tout en fraîcheur et profondeur. Robe rubis éclatante, nez de figue fraîche et de prune compotée, bouche ample aux accents de canneberge : rien d’ostentatoire, mais un équilibre sûr, comme une conversation posée entre amis de longue date.
À 20 €, Les Jalets 2023 est ce genre de vin dont on s’étonne qu’il ne coûte pas plus cher. Il dit le savoir-faire d’une maison patrimoniale, mais surtout, il raconte un lieu précis, une saison, un souffle minéral. Et dans un monde qui va trop vite, cette précision-là est précieuse.
Un vin pour les tables sans manières, mais avec goût. Un rouge à déboucher aussi bien pour une côte de veau qu’un plat végétarien au cumin rôti. Et si l’on devait lui trouver une devise, ce serait peut-être : tenir bon, avec grâce.
